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Dans cette série d’articles, Eric Dupont et Philippe Angoustures, associés du cabinet PMP, examinent comment l’expérience des conditions difficiles en mer peut être utile aux dirigeants dans la crise actuelle.

 

Garder la Cap …

Cette période de confinement est propice aux rencontres … virtuelles. Ainsi, j’ai eu récemment la chance d’échanger avec Samantha Davis, skipper d’Initiatives-Cœur, grâce à un talk organisé par l’équipe du Shack qui brule d’impatience de nous accueillir dans son nouvel espace au cœur de Paris.

Cette spécialiste de la course au large, plus habituée au confinement dans l’habitacle étroit de son bateau qu’à terre, nous a partagé quelques-unes de ses recettes pour fixer et garder la cap.

Quelle stratégie de course ?

Lorsqu’on prépare le Vendée Globe, course autour du monde en solitaire, l’objectif et les règles du jeu sont clairs : partir et revenir des Sables d’Olonne sans assistance et sans escale. Les skippers connaissent l’ampleur du défi et les risques associés. Ils connaissent également les principales difficultés à affronter telles que :

  • « Le Pot au noir », zone sans vent située autour de l’équateur dans laquelle les marins peuvent se retrouver encalminés pendant des jours tout en devant faire face à de très soudains et violents orages ;
  • « Les quarantièmes rugissants » ou « Cinquantième hurlants », zone située dans l’hémisphère sud entre les 40ème et 50ème parallèles, connue pour ses tempêtes et ses vagues hautes de 10 mètres dont un diction marin dit « sous 40 degrés, il n’y a plus de loi, mais sous 50 degrés il n’y a plus Dieu. »

Qui plus est, leurs bateaux sont tous des monocoques respectant une jauge précise. Alors comment expliquer qu’en moyenne seuls 50% des participants rejoignent l’arrivée et que les derniers mettent 70% plus de temps que les premiers ?

C’est là que la stratégie de course intervient. Le marin, comme le dirigeant, connait son objectif, il se fixe dès le départ une stratégie qui est un juste équilibre entre prise de risques et sécurité afin d’optimiser la performance. En revanche ce qu’il ne connait pas ce sont les conditions météorologiques qu’il va devoir affronter, les fichiers météo lui donnent des indications mais leur fiabilité décroit rapidement au-delà d’une semaine. Le skipper est donc constamment en train d’ajuster sa trajectoire pour tirer profit des conditions extérieures, de l’état de son bateau mais aussi de la route choisie par ses concurrents. Ainsi Samantha nous expliquait qu’en course elle n’essaie pas de planifier à plus de 3 semaines, elle se concentre sur ce qu’elle peut maîtriser, sur un horizon de temps sur lequel elle peut agir, elle ajuste sa route au jour le jour et est dans le réglage fin de son bateau pour optimiser sa performance.

De même dans cette période perturbée le Dirigeant ne doit pas abandonner son objectif stratégique mais être dans un pilotage fin de sa performance, il doit sans arrêt ajuster son plan d’actions, être dans l’anticipation mais pas dans la spéculation. Il doit être lui aussi dans le « réglage fin » pour assurer la sécurité de ses équipes tout en maximisant la performance.

Gageons que comme pour Samantha si « gérer l’incertitude est au cœur de l’aventure, quand on s’en sort l’adrénaline est encore plus forte ».

L’organisation et les plaisirs du quotidien

Seule sur un bateau avec quelques voiles à régler et un cap à tenir, on peut se dire que Samantha a tout le temps devant elle pour s’organiser. En fait comme pour le Dirigeant confiné devant son écran, en permanence en conf-call, ses journées passent extrêmement vite. Elle ne doit négliger aucun détail, ne pas remettre au lendemain ce qu’elle peut faire le jour même. Pour éviter de se laisser « endormir » par des journées qui se ressemblent toutes, voire décourager dans les moments de doute, Samantha se fixe des check-lists quotidiennes très précises intégrant aussi bien l’analyse des données météorologiques, que les contrôles et réglages sur le bateau sans oublier les temps de repos nécessaires pour tenir dans la durée.

Samantha insiste également sur la nécessité d’établir un certain nombre de rites correspondant à autant de moments de plaisir. A titre d’exemple, une fois par semaine elle s’offre un moment de gourmandise qui lui rappelle les plaisirs du quotidien à terre. Elle cherche également, particulièrement dans les moments durs, à toujours se demander ce qu’il y a de positif car « on va plus vite avec du plaisir et du positif ».

Donner du sens

Depuis 2017 Samantha Davis est à la barre d’Initiative-Cœur, un projet associant sponsoring sportif et mécénat pour l’association Mécénat Chirurgie cardiaque qui permet à des enfants souffrant de malformations cardiaques d’être accueillis et soignés en France. Cette jeune mère de famille s’est vue confiée la barre du bateau par un autre skipper, Tanguy Lamotte qui a décidé de mettre sa carrière entre parenthèse pour se consacrer à sa vie de famille.

Est-ce que s’inscrire dans un projet ayant un but humanitaire rend plus performante ? Samantha n’a pas abordé ce sujet, peut être par pudeur, peut être parce que là n’est pas l’essentiel.

Dans nos entreprises il en va sans doute de même. Faut il faire étalage du sens de nos projets pour améliorer notre performance ou au contraire mettre la performance au service du sens ?

Une bonne question à se poser en ces temps de crise.

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