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Depuis fin janvier, tous les Français sont progressivement informés par l’Assurance Maladie de l’ouverture en cours (sauf opposition) de leur compte Mon Espace Santé.

Un projet né d’un double constat

Ce projet, lancé en 2019, est né d’un double constat :

  • L’échec du Dossier Médical Partagé (DMP). Voté en 2004, pro- mis pour tous en 2007, seulement 9,3 millions de DMP ouverts fin 2020. Ouverts mais inactifs en raison de son caractère « coffre-fort fourre-tout où s’accumulent sans ordre des documents de santé » – des remboursements du régime obligatoire essentiellement puisque très peu de médecins l’alimentent en comptes-rendus et données.
  • La perception d’une menace de perte de contrôle national sur les données santé, en raison :
    • Du développement en France de milliers de logiciels pour les établis- sements et les professionnels de santé ne garantissant ni le respect de règles de sécurité ni leur interopérabilité, faute de cadre national pré existant.
    • Des investissements massifs réalisés aux Etats Unis et en Europe (Grande Bretagne notamment) par les GAFAM en santé : Google a acquis près de 60 sociétés dédiées à la santé, récemment Mi- crosoft a acquis Nuance (spécialiste de l’I.A pour 19,7 Mds USD), ce seul investissement étant près de 10 fois plus élevé que le budget du Ségur numérique de la santé. Le marché potentiel de la santé pour ces acteurs est très important.

Une très grande ambition

Mon Espace Santé s’inscrit dans un plan d’investissements nu- mériques global incluant 2 autres plateformes, le Health Data Hub et le Bouquet de services aux professionnels de santé.

L’ambition est la même qu’en 2004 : permettre aux Français de devenir acteurs de leur santé. Mais cette fois en leur en garan- tissant les conditions : un accès sécurisé à l’intégralité de leurs données de santé et un environnement très « user centric ». Mon Espace Santé est devenu un nouveau service public avec une version améliorée du DMP pour stocker et partager les documents de santé (ordonnances, traitements, résultats d’examens, antécédents médicaux, compte-rendu d’hospitalisation, vaccination, constantes de santé) comme « pierre angulaire » et « augmentée » de trois autres fonctionnalités :

  1. Une messagerie sécurisée de santé pour recevoir ses documents de santé des professionnels de santé en toute confidentialité : mail et documents, enregistrement de documents, notifications…
  2. Un « méta » agenda santé pour maîtriser ses rendez-vous médicaux, ses rappels et dates d’examens clés (bilans, mam- mographie, vaccination…)
  3. Un catalogue de services numériques de santé référencés par l’Etat, éthiques et sûres, pouvant sous conditions exploiter certaines données du DMP et de l’agenda mais aussi les alimenter.

Préalablement à la création de ce service numérique, un très important travail de co-construction d’un cadre technique de sécurité et d’interopérabilité des systèmes d’information a été mené avec les professionnels.

Si l’ensemble des acteurs (notamment les éditeurs de logiciels avec un soutien financier important de l’Etat) sont pour l’instant très occupés à adapter leurs services au nouveau cadre technique, les opportunités de développement de nouveaux usages sont a priori très importantes pour tous les acteurs de la santé.

En effet, dans le cadre technique et éthique de Mon Espace Santé, avec le consentement des utilisateurs, les nouveaux services pourront accéder en temps réel aux données de santé structurées (inaccessibles jusqu’alors) et/ou les alimenter, ce qui apportera énormément de valeur via une meilleure contextualisation et la personnalisation. A noter que seuls les services référencés pourront accéder à ces données, en aucun cas les laboratoires pharmaceutiques ou les OCAM et leurs espaces adhérents en tant que tels.

Un lancement surprenant

Mais le calendrier retenu pour le lancement de Mon Espace Santé est clairement politique, ce qui ne peut être favorable à une adoption du service par la population. D’autant plus que tous les efforts ont jusqu’à présent été consacrés à la technique, peu aux cas d‘usages. Et sans compter qu’à l’ouverture des 50 millions de compte Mon Espace Santé fin mai, les fonctionnalités Agenda et Catalogue de services ne seront pas opérationnelles. Quant aux médecins, biologistes et radiologues, le temps de la mise à niveau de leurs logiciels et de leur formation, ils devraient être en mesure d’alimenter le DMP au mieux fin 2022, les pharmaciens début 2023.

Il est donc fort à craindre que cette année du lancement soit perdue et que les retours utilisateurs ne diffèrent pas de ceux de l’expérimentation menée fin 2021 dans 3 départements (un désintérêt total pour 95% de la population même si le taux de refus d’ouverture a été presque nul).

Ce calendrier surprenant risque fort d’allonger inutilement les délais d’adoption de Mon Espace Santé par toutes les parties prenantes.

Olivier Milcamps, Senior Manager

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