Marie-Sophie Houis-Valletoux, Associée PMP et Olivier Milcamps, dans un article écrit à 4 mains, vous exposent leur vision de « comment redonner du génie à l’assurance complémentaire santé ».
Alors qu’approche le 75ème anniversaire de la Sécurité Sociale à laquelle les Français restent extrêmement attachés, les doutes croissent quant à la pérennité voire l’utilité des organismes complémentaires d’assurance santé facultative (OCAM).
Malgré un mouvement de concentration du secteur sans précédent – le nombre d’OCAM passant de 1 702 en 2001 à 474 en 2017 – et une augmentation de leur taille - les 50 plus grands ont collecté 75% des cotisations en 2017 contre 54% en 2006 – leur permettant de dégager des économies d‘échelle significatives pour investir dans de nouveaux services aux assurés, jamais la défiance de leurs clients à leur égard n’a été aussi forte : 69% des 6 680 avis recueillis par Opinion Assurance sur leurs OCAM se déclarent en effet insatisfaits voire très insatisfaits.
La complémentaire santé obligatoire, les assureurs complémentaires santé délégataires de gestion et collecteurs de taxe … Une tendance inéluctable ?
Outre par le grand nombre d’OCAM, la France se distingue fortement des autres pays européens par leur poids beaucoup plus important dans le financement de la consommation de soins et biens médicaux (CSBM), mais aussi par l’hyper réglementation de leur activité.
En 2017, les OCAM finançaient 13,2% de la CSBM contre 12,3% en 2002 après avoir culminé à 13,7% en 2013 pour un montant moyen de prestations de près de 500 € par personne en France, alors que leur poids est compris entre 3% et 8% en Allemagne, Suisse et aux Pays-Bas, pour un montant moyen de prestations par personne plus faible, +- 300 €.
Dans ces pays, l’activité d’assurance santé facultative est très peu réglementée, les assureurs pouvant par exemple pratiquer la sélection médicale et définir librement leur panier de soins et les conditions de remboursement.
A l’inverse en France leur activité est de plus en plus régulée depuis que l’instauration de la CMU-C, effective le 1er janvier 2000, a de facto « consacré » les OCAM comme un acteur indispensable de la protection sociale. Les gouvernements successifs, quelle que soit leur obédience, n’ont eu de cesse de contribuer à une universalisation progressive de la complémentaire santé qui s’est accélérée ces dernières années ; on peut noter les loi Evin (1989), contrat solidaire et responsable (2004), solvabilité 2 (2016), généralisation de la complémentaire santé d’entreprise (2016) qui oblige l’employeur à proposer aux salariés une couverture santé complémentaire et de la financer à hauteur de 50% minimum … Depuis 2016, les OCAM ont été contraintes d’appliquer 54 nouvelles réglementations, soit un impact de 3% au moins sur leurs frais de gestion. A court terme, on ne peut prévoir une inversion de cette tendance : 100% Santé (2019-2021), résiliation infra annuelle (2020), CMU-C contributive (2020), encadrement des frais de gestion (on en parle), réglementation des couvertures santé des seniors (on en reparlera peut-être) …
Ce qui n’empêche pas le reste à charge des ménages de continuer à augmenter.
En plus de fortement encadrer leur activité, les pouvoirs publics ont également transformé les OCAM en collecteurs de taxes : aujourd’hui, les taxes perçues sur les contrats d’assurance santé facultative représentent 13,27% des cotisations des contrats responsables (et 20,27% pour les contrats non responsables) contre 1,75% en 1999, soit une recette fiscale de 4,6 milliards € pour les contrats responsables mais de moins de 150 millions € pour les contrats non responsables.
Cette tendance, qui semble fortement ancrée dans la haute administration du pays, peut-elle être durable ? Et si le système de santé avait de plus en plus besoin d’espaces de liberté, y compris tarifaire ?
Et si la vraie question n’était plus de solvabiliser les reste à charge des actes de santé curatifs dans le cadre d’un accès aux soins encore très peu organisé / réglementé ?
Dans le même temps, nous constatons que les fortes évolutions à l’œuvre du côté de l’offre de soins ne sont guère compatibles avec le système de financement actuel. Parmi ces évolutions, 3 sont très structurantes.
Il est légitime dans ce contexte de s’interroger sur comment les Pouvoirs Publics vont pouvoir faire face à la croissance mécanique des soins fréquents et peu couteux et des soins peu fréquents et très couteux … l’encadrement et la généralisation croissante de la complémentaire santé ne pouvant suffire à résoudre à cette difficile équation.
La question de la prévention (primaire / secondaire / tertiaire) constitue sans doute une clef essentielle pour tenter de résoudre cette équation complexe et pourtant rien ou peu est fait à ce stade pour inciter professionnels de santé et assurés à être acteur de son développement.
Nous constatons l’essoufflement progressif des fabuleuses promesses de notre système :
Une nouvelle ère pour les OCAM autour de la recherche de solutions de prise en charge de la santé plus efficientes ?
Dans ce contexte, les OCAM ont sans doute un rôle à jouer pour contribuer à imaginer et mettre en œuvre un nouveau système de santé tant en termes d’offre que de financement, les deux étant intimement liés. Les acteurs historiques de la complémentaire santé les mutuelles et les institutions de prévoyance ont développé deux outils essentiels :
Ces acteurs ont également développé des offres de service autour des garanties santé et prévoyance, tant en collectif qu’en individuel ayant vocation à préserver le capital santé de leurs bénéficiaires.
Dans le même temps, ils se sont interrogés sur les enjeux de maîtrise du risque au profit des assurés et des financeurs avec une attention particulière sur les conditions de l’usage (utile / connu / accessible / simple) et de la pérennité économique (qui paie et pour quoi ?).
Sans doute le bon timing pour que les OCAM, dont le mouvement de concentration constitue une opportunité de construire des groupes ayant les moyens d’envisager et de déployer de nouvelles approches, pour contribuer à imaginer un nouveau système de prise en charge de la santé autour de :
Des raisons d’attendre la puissante rencontre entre des besoins et des capacités !
Marie-Sophie Houis-Valletoux