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S’occuper du bateau

By 27 April 2020April 5th, 2024publications

Dans cette série d’articles, Eric Dupont et Philippe Angoustures, associés du cabinet PMP, examinent comment l’expérience des conditions difficiles en mer peut être utile aux dirigeants dans la crise actuelle.

Les discussions entre marins sont souvent pleines d’expressions qui peuvent paraître incompréhensibles pour les terriens. Plusieurs d’entre elles parlent de l’importance de s’occuper du bateau et peuvent résonner particulièrement dans la crise actuelle.

« Garder le bateau sous le mat »

Quand le vent est fort le bateau peut se mettre à giter dangereusement. Quand la mer est également forte cette gite peut être accentuée par le mouvement des vagues jusqu’au chavirage complet.

« Garder le bateau sous le mat » rappelle de manière imagée l’objectif prioritaire de l’équipage, à savoir assurer la préservation du bateau qui est sa principale protection contre les éléments. Adapter la voile à la force du vent et de la mer, adapter sa route, déplacer les poids à bord … toutes ces manœuvres, leur choix, leur amplitude, leur adaptation … auront un indicateur simple de réussite : maintenir le bateau dans une position de sécurité qui assurera elle-même la sécurité de l’équipage.

Ainsi les collaborateurs vis-à-vis de leur entreprise ont sans doute conscience en ce moment du niveau de protection qu’elle leur assure et que tout doit être fait pour ne pas qu’elle chavire.

« Rester manœuvrant »

La manœuvrabilité du bateau est un des biens les plus précieux de tout skipper. Elle signifie la capacité à pouvoir choisir sa route à tout moment, le plus souvent pour éviter un obstacle. Sur un voilier la manœuvrabilité n’est pas un acquis, on peut la perdre dans les manœuvres de port quand on n’a pas assez de vitesse, ou en mer quand le vent forcit et qu’on n’a pas réduit la voile assez tôt ou qu’une partie du grément cède.

Dans l’entreprise on parle plutôt aujourd’hui d’agilité mais dans la crise actuelle c’est un terme un peu simple pour désigner la capacité d’une organisation entière à adapter ses priorités, ou à se remobiliser dans un nouveau champ de contraintes.

Ainsi comme le skipper le manager doit en permanence savoir si son organisation reste manœuvrante, d’abord avec un indicateur simple qui est la disponibilité de cash (le vent dans les voiles ou le fuel dans le moteur). Enfin en analysant si les collaborateurs, l’organisation, les processus, les outils et la gouvernance limitent ou améliorent cette manœuvrabilité.

« La vitesse rend intelligent »

Dicton de régatier, cette expression signifie qu’un supplément de vitesse donne plus d’options stratégiques pour capturer les opportunités météo ou pour mieux contrôler les concurrents. Non seulement on va plus vite, mais on navigue mieux … « the rich gets richer » !

Pour les néophytes à bord cela peut paraitre étrange d’apporter autant de soin à un réglage d’un demi-centimètre d’écoute ou de drisse, ou de chercher en permanence le meilleur équilibre des poids dans le bateau mais cela peut rajouter le petit surcroit de vitesse qui fera toute la différence.

La transposition dans l’entreprise est celle de la performance. Celle qu’il faut organiser globalement en termes d’organisation, de processus etc. mais aussi aller chercher dans les détails qui permettent de gagner quelques jours par rapport à une échéance client qu’on pourra utiliser pour améliorer la qualité des produits finis et augmenter sa différenciation.

Ainsi profitons de cette crise pour nous nous rappeler que s’occuper de son entreprise, de sa sécurité, sa capacité de manœuvre et de sa performance, c’est nous permettre à tous d’aller plus loin.