Depuis la crise sanitaire, le marché des paiements est en pleine mutation, porté à la fois par les dernières innovations technologiques et le besoin de répondre aux attentes client. Des évolutions qui poussent les acteurs du marché à revoir leur modèle…
Paiement simplifié par wallet sur terminal mPOS – Photo de Clay Banks sur Unsplash
Il y’a quelques années encore, nous étions dubitatifs quant à l’usage de paiements sans contact ou de paiements par téléphone. Si le recours à l’espèce reste répandu dans la zone euro à hauteur de 59% des transactions en magasins (contre 72% en 2019), les modes de paiements ont largement évolué ces derniers temps pour intégrer virements instantanés, paiement par portefeuilles électroniques ou crypto-actifs.
Ces évolutions, révélatrices de transformations profondes dans l’écosystème des paiements en France mais également à l’international, se sont accélérées depuis la crise sanitaire pour conforter la place de la carte bancaire comme moyen de paiement préféré des Français. En 2022, la valeur totale des paiements par carte dépasse d’ailleurs pour la première fois celle des paiements en espèces dans la zone euro. Toutefois, cette situation ne présage pas de changements ultérieurs, au fur et à mesure de la digitalisation des paiements.
Autres gagnants de cette transformation, le paiement sans contact atteint les 62% de paiements par carte en 2022 (contre 41% en 2019), tandis que le virement instantané et le paiement fractionné sont de plus en plus plébiscités. Le rapport de Data.ai relève une hausse de 508% des téléchargements d’applications de paiement fractionné en France en 2022.
Des innovations qui changent la donne
L’impact de la digitalisation de l’économie et l’essor de l’e-commerce sur ces tendances de fond sont significatifs. Les récents développements technologiques et réglementaires ont en effet favorisé une nouvelle vague d’innovations et de ruptures, sur fond de diversification et d’accroissement de la pression concurrentielle avec une plus grande attention accordée à l’amélioration de l’expérience client et marchand.
L’adoption de ces innovations a été fortement accélérée par l’arrêt brusque du commerce physique pendant la crise sanitaire et le bouleversement de nos modes de consommation.
En matière de paiements mobiles, l’émergence des « super-apps » redynamise les paiements par application en offrant une gamme complète de services liés à un portefeuille de paiement propre à l’application. Ces dernières sont aussi un exemple abouti de finance embarquée (ou embedded finance), à travers leur intégration de services financiers directement dans les plateformes (crédit, assurance, etc.).
En commerce physique, l’émergence de terminaux innovants (SoftPos, mPos, …) facilite l’acceptation de méthodes de paiement alternatives tout en fluidifiant l’expérience client. En lien avec cela, le développement de l’interconnectivité entre systèmes et la mise en place mécanismes de tokenisation vient renforcer la capacité à gérer les paiements de façon “unifiée” avec des cas d’usages “omnicanaux” de type « click & collect » ou « pay as you go ».
Sur le e-commerce, le modèle marketplace continue à gagner des parts de marché et devrait présenter un profil de croissance élevé. Selon les estimations établies par PMP Strategy, les marketplaces dépasseront 30% des échanges e-commerce en France d’ici à la fin de l’année. Cette évolution inclut à la fois le développement du B2C, mais aussi la forte accélération des marketplaces B2B, dont la taille devrait doubler à l’horizon 2025.
Enfin, l’expansion de services complémentaires aux paiements (réconciliation, fraude, KYC, gestion des stocks, …) et leur intégration by design dans l’écosystème du marchand ouvrent de nouvelles perspectives pour permettre des transactions sans friction et accélérer le développement du virement instantané ou de solutions telles que le paiement en un clic et le paiement récurrent.
Des acteurs contraints à revoir leur positionnement pour rester compétitifs
Le rythme auquel l’écosystème de paiement a évolué a laissé dans son sillage un ensemble d’entreprises, dont les banques, acteurs traditionnels venant du monde « physique » des paiements, qui n’ont pas réussi à prendre le virage de la digitalisation.
En revanche, différents types d’acteurs non bancaires à l’origine ont su développer leur présence sur la chaîne de valeur paiement en gagnant des parts de marché significatives.
Ces PSP ou fintechs, partent avant tout de l’enjeu de la donnée de paiement pour créer à partir de celle-ci de nouveaux services à plus forte valeur ajoutée, et générer ainsi de la fidélité client notamment en positionnant l’offre au plus près du consommateur.
Un changement de paradigme qui se profile
Des initiatives témoignent toutefois d’un changement de paradigme, avec une volonté de certains acteurs de mieux coopérer pour amplifier la distribution ou renforcer les synergies sur le plan de l’offre en intégrant les dernières innovations et en s’alignant aux besoins clients.
Dans ce contexte, les rapprochements et partenariats entre acteurs bancaires et spécialistes du paiement se multiplient à l’image de l’acquisition de Floa par BNP Paribas pour se renforcer sur le paiement fractionné ou le partenariat entre Société Générale et Lemonway afin de soutenir la croissance des marketplaces B2B. Pour développer son offre notamment sur l’acceptation, Société générale a aussi entrepris l’acquisition en 2022 de la fintech PayXpert. Plus récemment, c’est au tour de Crédit Agricole d’annoncer son entrée en négociations exclusives avec Worldline pour lancer un « acteur majeur du marché des paiements français » d’ici à 2025. Des annonces qui montrent à quel point le marché bancaire semble prendre un tournant en termes de modèle cible pour rester dans la course.
Face à ces évolutions et en dépit des tendances prometteuses du marché, seuls les acteurs qui parviendront à s’adapter rapidement aux nouveaux enjeux du monde des paiements seront bien placés pour réussir.
Omar Boughaleb, Consultant (Institutions Financières) chez PMP Strategy