L’électrification des véhicules individuels est un levier majeur de décarbonation. PMP Strategy dresse un premier bilan du déploiement des infrastructures de recharge en France et donne les perspectives de leur développement à horizon 2035.
Les ventes de véhicules électriques sont en forte croissance
Le plan de l’Europe « Fit for 55 » conduit les fabricants automobiles européens à accélérer la conversion de leurs plateformes industrielles vers 100% de ventes de véhicules électriques en 2035. Les fabricants chinois ont également mis sur le marché européen des modèles 100% électriques très compétitifs.
Les pouvoirs publics soutiennent largement ce développement par un ensemble d’aides comme la prime à la conversion (jusqu’à 6 000€) ou le bonus écologique (jusqu’à 7 000 €) et bientôt le leasing social à 100€ / mois.
Sur le 1er semestre les véhicules 100% électriques ont ainsi représenté 15% des ventes en France et PMP Strategy anticipe qu’un tiers du parc en circulation en 2035 sera 100% électrique.
Les infrastructures de recharge se développent en parallèle à un rythme soutenu
La possibilité de recharge à domicile a été un critère important d’achat des premiers véhicules électriques et près de 85% des bornes actives en 2022 pour 90% de l’énergie livrée le sont à domicile.
Néanmoins la pénétration du véhicule électrique concerne de plus en plus des populations n’ayant pas de solution de recharge à domicile ou au travail, augmentant ainsi la demande pour la recharge dans le domaine public (voirie, parkings ouverts, axes routier) avec une proportion plus forte de charge ultra-rapide (recharge complète en moins de 30 min).
PMP Strategy anticipe ainsi un équilibrage progressif des usages entre recharges privée et publique, cette dernière arrivant en 2035 à près de 900 000 bornes assurant environ 45% des recharges annuelles pour les véhicules individuels.
Ces prévisions de croissance sont partagées par de nombreux investisseurs privés qui participent aux levées de fonds des opérateurs de bornes de recharge (Ionity, ZePlug, Electra, Bump, Powerdot, Driveco, Allego, …) pour près de 2 milliards d’euros depuis 3 ans.
Un défi majeur pour l’approvisionnement électrique et une augmentation probable des prix de la recharge
Les consommations électriques affichées par les constructeurs en 2023 donnent des indications sur les besoins d’énergie de ces véhicules mais plusieurs phénomènes sont à prendre en compte pour faire des projections à 2030 et au-delà :
- L’écart entre la consommation théorique et la consommation réelle pour tout type de trajet, de conduite, de température etc.
- L’augmentation de l’efficacité des batteries, des moteurs électriques et des équipements embarqués qui devrait permettre de réduire cette consommation unitaire
- L’augmentation du poids des véhicules (accroissement des équipements, effet parc, succès des SUV) qui devrait l’augmenter.
Nos analyses prenant en compte ces facteurs permettent d’estimer à près de 40 TWh par an en 2035 les besoins en énergie pour la recharge des véhicules électriques, soit la production annuelle de 6 tranches nucléaires.
Ajoutés à la réindustrialisation du pays, aux besoins d’électrification du chauffage et du transport de marchandises, cette évolution n’ira pas sans créer de fortes tensions sur les marchés de l’électricité. et devrait se traduire par une volatilité horaire voire une hausse des prix moyens de la recharge, notamment dans le domaine public.
L’expérience utilisateur est à améliorer mais à terme la recherche du meilleur prix prévaudra
L’expérience utilisateur des bornes de recharge est encore insuffisante, notamment du fait de leur taux de disponibilité réel ou pour le paiement, et un grand nombre de services se développent visant à l’améliorer (ex : Chargemap). Néanmoins l’interopérabilité se développe, ainsi que des standards comme le Plug & Charge qui simplifieront progressivement l’expérience de la recharge.
Il est ainsi probable qu’à terme, comme pour le véhicule thermique, les utilisateurs rechercheront principalement l’optimisation tarifaire, en privilégiant pour ceux qui le peuvent la recharge à domicile.
Dans le domaine public, nous anticipons une forte croissance de la recharge à destination (centres commerciaux, restaurants, …) dans des usages « park & charge » où l’offre de recharge servira de produit d’appel permettant de générer du flux commercial, comme l’illustrent les appels d’offres récents attribués par Carrefour à Driveco et McDonald à Izivia.
Le débat « la poule ou l’œuf » sur les bornes de recharge se referme ainsi progressivement, ouvrant la voie à un marché très concurrentiel. Il est probable que nous assisterons à une consolidation du marché dans les prochaines années pour faire face aux besoins croissants d’investissement dans ces nouvelles infrastructures où les barrières à l’entrée restent faibles et où les meilleurs emplacements s’achètent chers.
Article écrit par Philippe Angoustures (Associé PMP Strategy) Hugues Marchal (Directeur Associé) et Margaux de Chelle (Consultante).