L’expérience d’Alcatel Lucent
Les deux invités du rendez-vous du 13 octobre ont pour point commun de s’être attelés à la question de la transformation d’organisations en grande difficulté. D’un côté Michel Combes arrivé à la tête d’Alcatel Lucent en avril 2013 pour sortir du marasme une multinationale déficitaire depuis plusieurs années. De l’autre, Robin Rivaton, économiste, fondateur du think-tank Fondapol vient de publier un livre dans lequel il tente d’identifier des leviers d’un éventuel redressement de la France qui peine à sortir de la spirale de la morosité économique et du surendettement. Ils étaient invités à répondre à la question : « Transformation : comment être prêts ? »
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Michel Combes distingue quatre éléments clés de sa démarche de transformation d’Alcatel-Lucent :
- L’établissement d’un diagnostic factuel de la situation de l’entreprise, compris et partagé par l’ensemble des salariés de l’entreprise.
- L’adhésion au projet de transformation et la mobilisation des cadres dirigeants. Michel Combes a ainsi organisé des séminaires rassemblant le top 200 d’Alcatel-Lucent pour les mobiliser autour de valeurs et d’objectifs communs.
- La prise de conscience de l’urgence du redressement pour éviter la faillite de l’entreprise.
- L’exemplarité nécessaire pour faire perdurer la mobilisation des salariés. Il est ainsi fondamental que le chef d’entreprise soit sur le terrain et incarne l’entreprise, y compris dans les moments difficiles.
Ces quatre éléments sont fondamentaux pour que l’ensemble des parties prenantes partagent le même diagnostic et intègrent le fait qu’un certain nombre de changements sont nécessaires. Selon Michel Combes, une des clés du succès de la restructuration d’Alcatel a d’ailleurs été la coopération des salariés et des syndicats conscients de la nécessité de fermer certains sites. Robin Rivaton a constaté que cet état d’esprit était également présent chez un grand nombre de Français : contrairement aux idées reçues, ceux-ci sont en effet favorables aux réformes structurelles qui s’imposent et sont prêts à s’adapter aux mutations économiques.
Toutefois, une transformation ne peut réussir que si les si les objectifs de l’organisation sont en accord avec ceux des dirigeants. Michel Combes a ainsi remanié son état-major et redéfini la politique d’incentives pour s’assurer de l’implication totale du top management dans la mise en œuvre du plan de transformation d’Alcatel-Lucent. Robin Rivaton estime quant à lui que les hommes politiques sont responsables de ne pas avoir transposé le changement culturel des Français aux infrastructures. Ceux-ci rechignent à réformer en profondeur de peur de ne pas être réélus. Selon lui, le décalage entre le manque de courage politique des élus et l’appétence des Français pour la refonte de leurs institutions crée un effritement de la démocratie dont le symptôme le plus visible est le fort taux d’abstention aux élections.
Les invités ont également soulevé la difficulté que rencontrent nos élus pour mettre en œuvre des mécanismes de régulation qui favorisent l’innovation et empêchent la constitution d’oligopoles. Les deux invités s’accordaient pourtant à dire que l’innovation est la clef du redressement. Pour Robin Rivaton, celle-ci est plus ouverte, se diffuse plus rapidement et sera davantage le fait des start-ups que des grands groupes. Michel Combes croit encore à la capacité d’innovation des grandes entreprises à condition que celles-ci osent investir dans les start-ups et sachent les intégrer sans détruire leur ADN. Il a ajouté qu’en matière d’innovation, la France devait s’inspirer de la capacité des Etats-Unis à identifier les portions des chaînes de valeur à forte valeur ajoutée et à innover en conséquence, citant notamment les agences de voyage en ligne et les compagnies de VTC.
On retiendra des interventions de nos deux invités leurs nombreux conseils pour réussir une transformation ainsi que leur optimisme communicatif quant à l’avenir de la France.