Skip to main content

Tribune Les Echos – Complémentaire santé des fonctionnaires : enjeux et grandes manœuvres d’une réforme

Une profonde transformation de la protection sociale complémentaire santé et prévoyance de la fonction publique a été lancée. Employeurs publics et partenaires sociaux, mutuelles et assureurs se préparent à une révolution des pratiques et des positions acquises. 

Entre 2021 et 2026 au plus tard, la Protection sociale complémentaire (PSC) santé et prévoyance de des 5,5 millions d’agents de la Fonction publique aura été profondément remaniée. Par incidence, cette réforme aura pu aussi impacter les couvertures santé de 3,5 millions de pensionnés de retraites publiques.

Santé et prévoyance complémentaires des agents publics s’appuyaient jusqu’à présent sur des systèmes à base d’adhésions individuelles et non obligatoires des bénéficiaires, avec dispositifs propres à chacun des trois versants de la Fonction publique d’État, Territoriale et Hospitalière. Toujours exprimée et souvent pratiquée, avec la forte présence de mutuelles historiques affinitaires de la Fonction publique, une solidarité intergénérationnelle permettait l’accès des retraités aux couvertures santé des actifs.

On pouvait néanmoins pointer les insuffisances de ces systèmes peu réformés : participations financières dérisoires des employeurs (État), couvertures hétérogènes (collectivités territoriales), mécanismes obsolètes ou peu accessibles (hôpitaux).

Profonde transformation

La loi du 6 aout 2019 de Transformation de la Fonction publique et l’ordonnance du 17 février 2021 ont ainsi fixé les principes d’une totale remise à plat, avec pour référence l’ANI santé déployé depuis 2016 dans le secteur privé (paniers de soins négociés, participations financières minimales des employeurs), tout en conservant ouvertes des spécificités de la Fonction publique (possibilités de couplage santé-prévoyance, d’adhésion obligatoire sous condition, ou de dispositif solidaire avec les retraités).

Un calendrier de déploiement est annoncé sur 5 ans. Des compléments réglementaires seront adoptés en 2021. Les négociations entre partenaires sociaux resteront intenses sur la période.

Si de nombreuses inconnues techniques subsistent donc encore, on peut cependant déjà pronostiquer de nouvelles dynamiques.

Enjeux économiques et sociaux accrus

Emblématique d’une stratégie d’attractivité de la Fonction publique, engageant de nouvelles dépenses annuelles à hauteur de 1,4 Md€, la protection sociale des agents publics deviendra un vrai sujet d’investissement pour tous les employeurs publics. Les organisations syndicales se focaliseront parallèlement sur la problématique sensible des compléments ou alternatives aux évolutions de rémunération directe. Le sujet de la PSC gagnera en densité économique et sociale, en ambition collective. Cela interdira de fait tout statu quo, et garantira la révolution des dispositifs actuels, stratifiés et marqués par l’histoire.

Défis techniques et concurrentiels pour tous, opportunités pour les plus agiles

Expression d’un recentrage renouvelé sur les identités et environnements professionnels de la Fonction publique, la PSC sera d’abord un rappel des exigences du marketing : la connaissance et l’adaptation aux besoins des bénéficiaires seront déterminants, et les programmes de prévention et de qualité de vie au travail seront différenciants.

Les ambitions affichées de solidarité intergénérationnelle des actifs avec les retraités, tout en limitant l’antisélection concurrentielle, constitueront de redoutables défis techniques de mutualisation.

Se posera ainsi la question des assurances collectives, particulièrement si à adhésion obligatoire, inconnues jusqu’à présent dans la Fonction publique.

Si les tenants historiques d’assurances individuelles défendent aujourd’hui leurs positions, ils préparent aussi leur capacité de bascule vers le monde du collectif. C’est éminemment nécessaire : la nouvelle densité économique et sociale de la PSC ne pourra que favoriser des cadres collectifs de décision et de contractualisation.

Ce choc des collectives pour les mutuelles historiques sera cependant une opportunité pour les plus agiles, conscientes qu’elles devront savoir utiliser et combiner tous les outils d’assurance et service, individuels et collectifs, pour suivre et servir leurs clientèles dans leur variété de parcours professionnels et de cycles de vie.

Ainsi, si les défis de court terme seront techniques et de distribution, les défis les plus durables se situeront bien plus dans l’amortissement de plateformes de services et dans l’usage optimal de la data.

Révolution du terrain de jeu, lourds enjeux sociaux, techniques et financiers, la réforme de la PSC de la Fonction Publique favorisera une concentration des offres et des opérateurs. Les alliances seront plus que jamais à l’ordre du jour , sur la distribution et les services, la coassurance et la réassurance. La compétition est déjà lancée.

F Channac

Frédéric Channac

 Senior advisor Pôle Institutions Financières de PMP

 

En savoir plus sur notre expertise Institutions Financières

Consultez l’article Publié le 16 avr. 2021 à 9:25 dans Les Echos