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Maintien à domicile : les assureurs attendus au tournant

Avec la transition démographique, la société française est en train de changer de visage

Une forte accélération du vieillissement de la population à venir

Si la France compte déjà aujourd’hui plus de 13 millions de personnes âgées de 65 ans et plus, le vieillissement de la population devrait s’accélérer d’ici 2040 avec l’arrivée au grand-âge des générations du baby-boom.

En effet, l’INSEE estime que le nombre de personnes dépendantes augmentera de 1,5 millions de personnes d’ici 2050 et celui de Majeurs Protégés devrait doubler pour atteindre 2 millions de personnes d’ici 2040.

Des besoins nouveaux, évolutifs et complexes amenés à croître ces prochaines décennies  

S’il est admis à l’avenir que la population dépendante sera plus âgée et ce plus longtemps, il est difficile de prévoir les besoins futurs de la population âgée. D’une part, cette accélération du vieillissement de la population est inédit dans l’histoire démographique française, d’autre part, il est complexe et évolutif car il dépend de la situation sociale, financière et médicale de la personne. Enfin, une étude de l’ex-Commissariat Général à l’Egalité des Territoires a souligné que les dynamiques territoriales pouvaient être très disparates.

Ce constat souligne la nécessité d’agir à la racine pour mieux prévenir des situations de perte d’autonomie et leur dégradation ultérieure, ultérieure, ce que le système actuel ne fait pas bien à notre sens.

Sans compter que cela devrait renforcer, pour l’ensemble des acteurs, la nécessité à agir tant sur les déterminants de la santé et de l’autonomie (adaptation des logements, mobilité, accès à la culture, l’activité physique, aux loisirs, …) que sur les facteurs de perte d’autonomie évitables (prévention des chutes, dénutrition, sédentarité, …) et pour éviter que des situations d’incapacité ne se dégradent davantage (niveau de soins et d’assistance adéquat, à domicile ou en établissement, …). Ces besoins ne sont toujours pas couverts à notre sens par le système de santé actuel.

Aujourd’hui très concentré sur les personnes âgées dépendantes, le marché devrait croître surtout sur la population âgée à domicile

Aujourd’hui les acteurs publics et privés concentrent leurs efforts sur une partie seulement de l’enjeu

Les pouvoirs publics se concentrent pour le moment principalement sur la dépendance comme en témoignent les 34 Mds € consacrés aux 605 000 résidents d’EHPAD et aux 200 000 personnes en perte d’autonomie, contre 28 Mds € dédiés aux 25,6 millions de personnes âgées à leur domicile. Cette concentration se fait au détriment d’une « économie informelle » très importante composée de 11,5 millions d’aidants proches dont un quart déclarent consacrer au moins 20 heures hebdomadaires à l’aidé.

Demain, le domicile devrait fortement tirer le marché de l’accompagnement du vieillissement

Avant toute chose, 85% des Français souhaitent vieillir à domicile[1]. Cette aspiration est déjà confirmée par le fait que 90% des plus de 75 ans vivent à leur domicile ainsi que par le recul de l’âge moyen d’entrée en EHPAD (86 ans et 8 mois fin 2019). La tendance devrait se poursuivre avec l’arrivée au grand-âge des baby-boomers, très attachés à leur autonomie et bien-être.

Enfin, les estimations de la DRESS[2] tendent à indiquer que le nombre de places existantes en EHPAD pourrait être suffisant en 2030 avec un besoin supplémentaire de 110 000 lits si la politique du maintien au domicile se renforce.

En revanche, l’accompagnement à domicile est pour le moment loin d’être optimal en raison notamment de l’enchevêtrement des compétences entre l’ensemble des acteurs, impliquant un suivi décousu de la personne âgée dans sa perte progressive d’autonomie.

Mais d’importants freins restent à lever

Le développement de l’accompagnement du vieillissement à domicile doit lever plusieurs freins. Tout d’abord, l’ensemble des moyens dédiés à l’accompagnement est très complexe à saisir pour la population. Celaest accentué par une prise de conscience insuffisante de la population sur les enjeux du vieillissement. Enfin, l’offre de services est encore trop chère et la population française n’est globalement pas convaincue de leur qualité.

Des initiatives dans certains pays européens sont inspirantes comme celle du care manager (référent unique de proximité) qui se charge du suivi personnalisé des bénéficiaires pour les aider dans leurs démarches et coordonner les différents services mobilisés.

Les jalons pour réfléchir et agir autour d’une stratégie services actualisée

Bien que les enjeux du Bien vieillir soient majeurs, la demande est pour l’instant timide et éclatée en fonction des nombreux besoins. Malgré des tentatives infructueuses pour le moment, aucune offre BtoC n’existe pour essayer de rassembler ces besoins.

En l’absence d’une politique publique forte qui pourrait concentrer la demande, la question se pose de répondre aux besoins nombreux, et ce de manière réaliste et pertinente.

Une approche plus ciblée par type de population, acteurs et moments clés de l’évolution nous apparait plus pertinente :

  • Les aidants, et notamment la moitié qui ne se considère pas comme tels, qui ont un fort besoin de rassurance et qui achètent certains services « sur prescription » ;
  • Les acteurs présents sur le marché de la dépendance, intéressés par le marché du domicile qui peut s’avérer un relais de croissance, mais qui ne s’y aventurent pas pour le moment par manque de moyens ;
  • Les collectivités territoriales les plus fortement impactées par le vieillissement de la population qui doivent revoir leur offre locale d’accompagnement ;
  • La période où la perte d’autonomie est la plus accrue, avec l’absence de dispositifs de coordination entre acteurs accompagnant la personne agée, qui conduit bien souvent à une expérience traumatisante et donc une nouvelle dégradation de l’état de la personne.

Nous pensons que les banques, et notamment les bancassureurs sont bien placés pour acommpagner leurs clients, aidés et aidants, sur ces enjeux complexes et intimes, en capitalisant sur leur proximité avec eux, avec notamment sur les axes suivants :

  • Contribuer à apporter de la créativité à ses potentiels clients assurés alors que la 5ème branche de la sécurité sociale dédiée à la perte d’autonomie est juste créée (mais sans moyens véritables) et qu’aucun financement obligatoire par l’assurance privée n’est prévu pour l’instant.
  • Intégrer les enjeux de la prévention, avec une promesse forte de pouvoir retarder voire limiter la perte d’autonomie, dont le financement de travaux d’aménagement du domicile, ou s’appuyant sur des services existants comme la télésurveillance ;
  • Ajuster et développer les offres dédiées aux Majeurs Protégés, en capitalisant par ailleurs sur la proximité et le digital pour renforcer leur attractivité et leur performance
  • Jouer leur rôle de conseil plus largement, que ce soit sur les enjeux de tranmission du patrimoine, ou sur les démarches et aides liés au statut de chacun
  • Se postionner sur le rôle « d’orchestration » de l’offre plus globale relative au « Bien vieillir », associant les partenaires nécessaires, et en ciblant éventuellement aussi les autres acteurs (acteurs du marché de la dépendance, collectivités locales)

 

Laure Lemaignen (directrice associée) et Olivier Milcamps (senior manager)

 

[1] Etude FESP / Sociovision et IFOP en 2019

[2] Etude DREES : Etudes et Résultats 1172, Décembre 2020

 Consulter l’article Publié le 26 avril dans La Tribune de l’Assurance.