Selon le rapport Assurtech en Chine 2020 de KPMG-Qinghua University, le marché assurantiel chinois est désormais le numéro 2 mondial, totalisant 11% de primes collectées globales. Dans le tableau de classement mondial Fintech 2019, 3 Fintechs chinoises sont parmi le top 10, dont le numéro 1 Ant Financial[1], et elles ont tous leurs activités assurantielles, particulièrement dans les domaines de l’e-commerce et de la finance inclusive. Même si le taux de pénétration et la densité assurantiels sur le marché chinois sont encore faibles (5% et 3 500 RMB/personne vs 10,6% et 31 161 RMB, soit 4569 US$/personne en France), il est indéniable que le marché chinois notamment celui de l’Assurtech reste très dynamique.
Capitalise sur leurs connaissances fines des habitudes de leurs consommateurs
Les acteurs chinois utilisent leurs connaissances des usages et des besoins de leurs clients pour développer des offres autours des usages les plus populaires de la vie quotidienne pour lesquels les flux internet sont importants. Ils ont su créer, réaliser et offrir des produits avec une expérience client (cross secteur-marché-acteur, O2O et sans couture).
Aujourd’hui, le marché des Assurtech chinois après s’être attaqué aux données et processus, il est en train d’entamer sa 3ème phase de digitalisation au niveau du modèle d’affaires. D’un point de vue métier, l’écosystème d’Assurtech est présent sur toute la chaîne de valeur assurantielle : R&D et conception de produits, distribution et vente, souscription, sinistre, contrôle de risques, gestion de processus…
Du point de vue technologique, l’Assurtech est en train d’être utilisée pour ou améliorer le confort d’utilisation, ou couvrir les besoins nouveaux ou existants mais non satisfaits, ou encore rendre les innovations de business model possibles, qu’importe s’il s’agit de 5G, Big Data, IA, Blockchain[2], IoT, Cloud Computing, technologies sécurité (cryptographie, quantique et biométrique), technologie génétique, AR/VR, internet mobile (93% d’internautes chinois utilisent les App sur leur smartphone) …
Enfin, du point de vue de l’offre, on peut trouver quatre types d’innovation dans la branche non-vie grâce à l’aide de l’Assurtech :
- nouvelles offres pour les nouveaux besoins (ex : économie partagée, avec l’IOT),
- nouvelles offres grâce aux nouvelles technologies (ex : assurance « enfant perdu », avec la biométrie),
- nouvelles offres basées sur l’innovation de business model (ex : option assurantielle intégrée dans le scénario d’utilisation à fort potentiel d’un géant e-commerce comme achat en ligne, avec Cloud Computing),
- et innovation/évolution au sein d’une offre digitale (ex : âge physiologique et prime personnalisées, robot advisor NPL, antifraude automatique, simulation virtuelle d’une collision auto, avec Big Data, IA, AR/VR).
Le contrat « frais de transport au cas de retour d’un article acheté » de ZhongAn Insurance, le 1er assureur chinois en ligne, peut bien illustrer l’innovation Assurtech actuelle dans ses multiples dimensions :
Stratégie et business model : cofondé par Ping An, Ant Financial et Tencent (un géant assurantiel, un géant de l’e-commerce et un gérant des réseaux sociaux), ZhongAn ne se concentre que sur les produits « blockbuster » autour de ces scénarios qui sont capables de capter les plus forts trafics en ligne, et ce, pour l’instant, dans les 5 secteurs où il y a une masse très importante de flux d’achat, qui sont le voyage, l’e-commerce, la santé, la finance inclusive et l’automobile. Au niveau du produit, Il ne se focalise que sur des offres simples mais en grand volume, afin de garantir le bas coût et la rapidité de mise en œuvre. Et dans chaque secteur visé, ZhongAn noue toujours son partenariat avec les meilleurs de la profession, à titre d’exemple, Alibaba pour l’e-commerce, Ctrip pour le voyage…
Offre : depuis 2014, l’un des produits phares de ZhongAn est le contrat « frais de transport au cas de retour d’un article acheté » dédié à l’e-commerce, il est intégré, comme option, dans le parcours d’achat de produits de grande consommation en ligne, extrêmement pratiqué par les internautes chinois. L’offre est déclinée en deux formes l’une est destinée aux e-commerçants (2B), l’autre aux particuliers (2C). Pour un particulier, la prime est seulement de quelques RMB et payée au moment de l’achat de son article en ligne. Le contrat est déclenché automatiquement dès que l’article est envoyé par le vendeur. Au moment du retour de l’article, préalablement validé par le vendeur, la récupération du colis jusqu’à 3kg à domicile par un transporteur (O2O) est garantie, sans aucune avance ni coût supplémentaire. Dès le lancement de l’offre en 2014, ZhongAn a déjà réussi à vendre 150 000 000 contrats (pour 100 000 000 RMB de la prime) en une seule journée de 11 novembre (fête de célibataire inventée par Alibaba, équivalant au Black Friday que nous connaissons). En 2019, ZhongAn a atteint un volume total de 15 milliards contrats (tout confondu) et dégagé un bénéfice de 70 090 000 RMB.
Assurtech déployée : en effet, les différentes Assurtechs ont été intégrées dans cette offre : la Blockchain pour identifier, authentifier, tracer et valider automatiquement des données structurantes et non structurantes de multiples interactions entre l’acheteur, l’article acheté, la boutique, la commande, la transaction et la chaîne logistique ; le Cloud Computing pour absorber le pic du volume de transaction en ligne jusqu’à 32 000 contrats par seconde ; le Big Data et l’AI pour dresser le portrait de l’acheteur, faire des propositions pertinentes à l’acheteur ou au vendeur, calculer en temps réel la prime personnalisée, contrôler automatiquement la fraude…, le moteur de règles intelligeant pouvant intégrer 10 000 paramètres.
Les défis restent nombreux sur le marché chinois
La perspective de croissance du marché chinois reste étroitement liée au rattrapage du retard, aux nouveaux besoins, à la démocratisation de produits assurantiels. L’achat d’un contrat d’assurance n’est pas un geste si naturel pour un chinois, et l’image d’un assureur, surtout local, n’est pas encore très bonne auprès de la population, par conséquent, un effort important est à faire pour améliorer la confiance.
Au niveau de la supervision, le retard ou le vide réglementaires (asymétrique par rapport au marché) et la concentration des risques liés aux innovations posent un souci majeur ; au niveau de la filière, l’infrastructure Assurtech (cloud public, nouveau standard…) et les mesures de protection de la propriété intellectuelle et de données privées ne sont pas encore archivées ; au niveau de l’assurance, les acteurs classiques risquent d’être confrontés à une restructuration importante, même à une disruption de modèle, dans certains domaines à cause de différentes raisons (changement comportemental de la jeunesse, concurrence des outsiders, innovation au niveau des approches…), on maque également de la stratégie globale au top niveau et de contrôle total des risques sur les produits émergents. Le problème de la conversion/recrutement de talents en double compétence assurantielle et technologique sera aussi de plus en plus aigu ; au niveau des sociétés Assurtech finalement, elles vont avoir les difficultés pour contrôler leurs canaux partenaires, obtenir les flux de données qualifiées, survivre à long terme avec un revenu faible mais un investissement fort, faire la guerre de talents avec d’autres secteurs technologiques, collaborer harmonieusement avec les assureurs et bâtir une culture d’entreprise plus ouverte pour ne pas rester superficielles quant à leurs innovations.
Sophie Zhou-Goulvestre, Associée Dirigeant et Senior Consultant, SR2C Consulting & Management
[1] Elle a annoncé un chiffre d’affaires de 72,5 milliards de yuans (8,9 milliards d’euros) au premier semestre 2020, soit une hausse de près de 40% par rapport à la même période en 2019. Sur la même période, le groupe a réalisé un bénéfice net de 18 milliards de Rmb (2,2 milliards d’euros). sources : AGIFI
[2] Le développement des offres basées sur la technologie Blockchain est considéré comme une stratégie nationale par le gouvernement central