Skip to main content

L’agence bancaire et le pilotage omnicanal

By 7 December 2020April 3rd, 2024Services Financiers & Institutions

La mort annoncée des agences bancaires ? L’exception française !

Dans un contexte de challenge profond du modèle de la banque de détail, la question du maillage des réseaux d’agences bancaires fait régulièrement l’objet de questions et analyses en France visant à démontrer la nécessité de réduire leur nombre.  La crise sanitaire, en ayant notamment donné un nouvel élan à la banque à distance, à l’usage du canal digital et du self care, accentue la question de la nécessité de rationaliser les réseaux bancaires.

Dans ce contexte, certains établissements en France, notamment les réseaux privés, ont déjà engagé un mouvement en ce sens, avec des réductions entre 10 et 20% du nombre d’agences opérées ces dernières années. L’annonce des réflexions sur un rapprochement des enseignes Société Générale et Crédit du Nord, avec un impact attendu sur le réseau physique combiné, constitue un nouveau signe de cette tendance et confirme que ce mouvement de restructuration se poursuit.

On demeure toutefois loin des niveaux observés ailleurs en Europe, jusqu’à -50%, et la France compte de l’ordre de deux fois plus d’agences bancaires par habitant que la moyenne des autres pays européens. Les banques ont à notre sens de bonnes raisons de vouloir conserver un réseau, même important, à côté de leurs centres de relation à distance et du canal digital :

  • Le réseau demeure un facteur de différenciation vis-à-vis de banques purement en ligne. Les néobanques qui peuvent s’appuyer sur un réseau physique soulignent en général l’importance de ce relais pour leur visibilité.
  • Elles ne sont pas en mesure de réaliser à distance et/ ou via le digital l’ensemble de leurs opérations, et notamment certains parcours clients plus complexes, notamment ceux qui correspondent aux «moments de vie clés ».
  • Elles doivent accompagner la « convergence lente » de leur base de clientèle, et notamment de certains de leurs clients historiques, moins autonomes et pour lesquels l’agence risque de rester encore longtemps un canal privilégié d’échange avec la banque.

La question essentielle du pilotage omnicanal de la relation client par la valeur client

En revanche – et peut-être plus que la question de leur nombre ? – il nous semble que la question du réseau d’agences doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion plus large sur le dispositif omnicanal dans son ensemble, en s’inspirant par exemple de ce qui a été réalisé d’autres secteurs, comme celui des Telecoms par exemple.

Ainsi il nous semble nécessaire d’adopter une démarche qui permette de répondre notamment aux questions suivantes sur le service à apporter au client :

  • Les parcours à digitaliser et automatiser de bout en bout, de façon à « déporter » de façon plus systématique certains actes, notamment simples et sans valeur, depuis le canal physique ou de relation à distance vers le self-care / digital..
  • La sélection de certains parcours clients sur lesquels on souhaite encore conserver une approche « à travers les canaux », qui permette encore au client de démarrer une action en ligne, puis de la terminer en agence ou en ligne avec le service client.
  • La capacité à différencier et personnaliser ces approches en fonction des segments de clients visés.

La ligne de crête entre satisfaction client et diminution des coûts … objectifs bien heureusement très facilement réconciliables

Cette démarche repose notamment sur la mise en place d’indicateurs financiers, notamment de « cost to serve », de chiffrage des investissements à prévoir pour la digitalisation des processus d’une part, et d’autre part de données sur la satisfaction clients / NPS sur les différents parcours et canaux. Ainsi, on peut disposer d’éléments quantitatifs qui :

  • permettent d’objectiver les points d’insatisfaction et surcoût pour la banque, et aident ainsi dans la phase de diagnostic du dispositif omnicanal ;
  • éclairent la question du retour sur investissement attendu pour les différents scenarii analysés, notamment au regard des investissements à consentir ;
  • servent ainsi à la décision sur les priorités clés en matière de digitalisation des parcours clients et des processus de bout en bout ;
  • fournissent un outil de pilotage dans la durée de la démarche ainsi entreprise et des progrès réalisés sur celle-ci, tant sur le plan de la satisfaction client que des délais de traitement, impacts financiers, etc…

Les outils et la data au service du développement d’un modèle « physical » performant

D’autres éléments de fond sont de nature également à favoriser dans la durée cette approche et la création de valeur apportée par celle-ci, notamment par le biais du recours à l’usage optimisé de la donnée :

  • une culture plus approfondie de l’approche par la valeur sur les investissements et une vision plus analytique des coûts par processus, canal, segment de clientèle ;
  • une mesure de la satisfaction client plus poussée et plus systématique (utilisation d’indicateurs NPS à chaud par exemple) ;
  • des outils de connaissance du client dont CRM au service de l’ensemble des canaux et partagés entre eux
  • la symétrie des outils entre collaborateurs et clients, et la poursuite des efforts de formation des effectifs au contact des clients

Enfin, il nous semble que cette démarche, en plus de contribuer à la meilleure efficacité opérationnelle du dispositif, s’inscrit aussi dans la transformation plus profonde du modèle bancaire nécessaire à terme, mais qui risque d’être longue à mettre en œuvre, compte tenu de la problématique de « convergence » évoquée plus haut. Cette transformation implique notamment une réflexion sur le rôle du conseiller et du dispositif commercial en agence, par rapport au service client à distance et au canal digital, également amenés à évoluer, pour mieux délivrer le « service personnalisé » demandé par les clients. La mise en place d’un pilotage plus resserré du dispositif omnicanal nous semble aller dans le sens de cet objectif, dans un contexte où les banques veulent tendre vers un modèle « phygital » plus optimisé, étape probablement nécessaire avant peut-être celle de la banque beaucoup plus digitale à plus long terme.

Laure Lemaignen

Laure Lemaignen, Directrice Associée PMP