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Face aux pratiques des pure players, les entreprises doivent repenser leurs process

By 20 septembre 2018avril 5th, 2024publications

Il est désormais nécessaire de sécuriser le succès de l’innovation agile. L’objectif des entreprises traditionnelles : raccourcir les cycles de l’innovation en gardant le cap.

En matière de création et d’innovation, l’erreur coûte trop cher. La vision industrielle de l’innovation repose sur le risque lié à l’engagement lourd de capitaux. Pour réduire ce risque, les process d’innovation qui ont été mis en place historiquement reposaient sur une méthodologie rigoureuse. C’est tout particulièrement le cas en informatique, où la DSI prenait totalement la main sur des projets IT avec des implications sur des systèmes imbriqués et propriétaires, les fameux legacy systems. Face à des risques financiers et industriels élevés, cette approche a longtemps permis de sécuriser la correspondance dans les moindres détails entre le besoin métier exprimé et la réalisation.

Même pour des innovations marketing, potentiellement moins structurantes industriellement, mais mobilisant des budgets pouvant atteindre plusieurs centaines de millions (comme pour le lancement mondial d’un nouveau parfum), la phase de conception était alourdie et rallongée par des études et des tests clients censés border tout risque d’échec commercial.

« Si j’avais fait des études client, je n’aurai jamais lancé le Walkman »

Cette citation d’Akio Morita, PDG fondateur de Sony a créé une première brèche. Le lancement du Walkman a finalement démontré que le client est capable de visualiser et d’apprécier des évolutions incrémentales sur un produit ou un service qu’il utilise déjà. Mais lui demander de se projeter dans l’usage virtuel d’un produit qui n’existe pas encore, et dont il a par conséquent toujours pu se passer, revient à demander au client un travail de projection qui n’est pas le sien.

Les cycles d’innovation dans le digital se sont considérablement raccourcis et accélérés, sous l’impulsion des leaders du web. Les acteurs traditionnels cherchent désormais à mettre en place des méthodes agiles d’innovation, tant pour essayer de tenir le rythme des pure players digitaux que parce que ces méthodes aussi légères que nouvelles ont un effet séduisant sur les décideurs. Une séance d’innovation ouverte d’une journée en mode « hackathon » avec de jeunes étudiants est quand même plus enthousiasmante qu’une phase de recherche en laboratoire de plusieurs mois !

Festina lente ou hâte-toi lentement

Aujourd’hui, le time to market est plus important que la perfection pour capturer un marché. L’objectif de tenir un time to market pertinent, combiné à la facilité d’évolution et de correction des nouveaux langages web, pousse à privilégier la sortie d’un « minimum viable product rapidement, qui sera amélioré et enrichi ensuite.

Mais les retours d’expérience sont pourtant plus mitigés. Avec des besoins métiers insuffisamment définis, les entreprises sont parfois confrontées à des résultats inadéquats, entraînant l’impossibilité de sortir le produit à temps, et nécessitant de retravailler en profondeur la réalisation, en rallongeant considérablement les délais et les coûts. Derrière, on trouve souvent des équipes peu formées aux méthodes scrum et à leurs aléas, tels que le changement d’équipes ou de leaders en milieu du processus.

Mais, à côté des échecs rencontrés, les retours d’expérience des réussites de l’innovation agile font ressortir plusieurs bonnes pratiques.

Tester… pour aller où ? Avoir un cap clair et simple

L’analyse des leaders Amazon et Google fait apparaître une première bonne pratique: définir une cible et une ambition claires et simples, auxquelles on peut se référer facilement et dans la durée. Ainsi Amazon a testé pendant plus de sept ans son concept d’Amazon Fresh sur quelques villes américaines, avant de le déployer. Les pilotes étaient différents dans les choix structurants, mais tous étaient travaillés et évalués sur la base d’une cible bien définie. De même, Google a procédé pendant plus de trois ans à des évolutions parfois quotidiennes de son produit Google Hotel, mais tout en gardant son cap.

« Test and learn » : ne pas sous-évaluer le « learn »

Et le test and learn repose sur un vrai learn, qui demande tout d’abord que les objectifs soient clairement définis, et concrétisés avec des KPIs et la mise en place d’outils de mesure efficaces et qu’une équipe projet soit maintenue en responsabilité durant toute l’évolution du produit. Il faut également que le focus managérial soit maintenu avec des points de revue, débrief et prises de décision et de correction éventuellement. Et pour ne pas l’oublier, un budget doit être alloué dès le départ à cette phase de learn qui ne peut être bien faite à « coûts masqués ».

Et entrer en amélioration continue

C’est le maintien et le pilotage exigeant de cette phase de learn qui permet d’entrer dans une démarche d’amélioration continue, aujourd’hui incontournable pour tenir le rythme d’évolution imposé par les Amazon et autre Google. Les concurrents directs d’Amazon (Fnac, Cdiscount, etc.) ont pu en faire l’expérience au cours des 15 dernières années: c’est lorsqu’ils pensaient être sur le point de rattraper Amazon sur une fonctionnalité (moteur de recherche, livraison à J0…) que cet acteur dévoilait sa nouvelle innovation lui assurant encore une longueur d’avance. L’objectif est donc aujourd’hui de pérenniser l’innovation agile pour assurer une remise en cause et une innovation continue afin de rester dans le jeu. Ce qui suppose une refonte de l’organisation et de la gestion des équipes innovantes, pour maintenir un effort continu sur chaque sujet d’innovation tout en entretenant la motivation et la créativité de ces équipes.

L’échec fait partie du process, mais comme le disait encore Akio Morita :

« N’ayez pas peur de faire une erreur, mais faites-en sorte de ne pas faire la même erreur deux fois ».

Paru sur le Journal Du Net, par François Cousi, Associé de PMP