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La hausse des taux d’intérêt a eu un effet significatif tant sur les crédits que les dépôts, entraînant une détérioration des résultats des banques de détail. La gestion actif-passif redevient un enjeu central pour les banques, prévient Laure Lemaignen.

Début 2023, les faillites bancaires, que l’on croyait reléguées au passé, ont refait surface aux Etats-Unis, suscitant des interrogations sur la stratégie et la gestion des banques, en particulier leur gestion actif-passif autrement appelée « asset and liability management » (ALM). Les déboires de Silicon Valley Bank en mars 2023 ont mis en évidence les écueils d’une mauvaise gestion ALM. Par exemple, une absence de politique de couverture de taux, des actifs à long terme couverts avec des passifs à court terme volatils, une concentration géographique et sectorielle des sources de financement, dont découlent des possibles conséquences désastreuses.

Ce cas d’école rappelle la nécessité cruciale de maîtriser les fondamentaux de l’ALM – gestion des risques de liquidité, de taux et de change – négligés dans un contexte de liquidité abondante et de courbe des taux plate.

L’augmentation brutale des taux a entraîné des répercussions significatives tant du côté des crédits que des dépôts en France : le taux moyen de crédit immobilier a été multiplié par presque quatre depuis 2021, et la production de crédit immobilier a chuté de plus de moitié en moins d’un an.

Trois principaux chantiers

Du côté des dépôts, le Livret A, qui représentait jusqu’en 2020 des ressources peu onéreuses, a vu sa rémunération multipliée par six (passant de à 0,5 % à 3 %), entraînant certes une forte augmentation des encours, mais surtout un surcoût notable pour les banques distributrices. Avec des crédits immobiliers à taux fixe et une part significative de l’épargne bilancielle réglementée, les banques de détail françaises ont subi un double choc de taux, à l’actif et au passif.

Les résultats des banques de détail montrent une détérioration significative au second semestre 2022, avec une aggravation encore plus marquée au premier semestre 2023. L’ALM redevient un sujet central et nécessite d’ouvrir trois chantiers. D’abord, un alignement entre la gestion ALM et la stratégie commerciale : dans un contexte de changements brutaux, il est impératif de restaurer un dialogue en proximité entre les équipes ALM et les équipes commerciales pour aligner les stratégies, définir les niveaux d’encours, les niveaux de prix et de marge par produit et piloter en continu les risques. Faire coexister ces équipes ne parlant pas le même langage et aux objectifs parfois divergents dans des comités ALM décisionnaires peut s’avérer un véritable défi.

Il faudra également instaurer un pilotage fin des taux de cession internes (TCI) : la remontée des taux et la fin de la liquidité abondante sont venues rappeler que les TCI doivent refléter le véritable coût de la liquidité et le coût de couverture contre les incertitudes du marché. Seul un pilotage fin du TCI peut permettre d’objectiver la rentabilité des crédits et la rémunération à son juste prix de la liquidité. Enfin, l’articulation régionale-centrale doit être optimisée pour les groupes mutualistes.

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« Dans des groupes décentralisés, il est essentiel de réexaminer l’articulation entre la gestion ALM [gestion actif-passif, NDLR] par les banques régionales et celle par l’organe central du risque de liquidité. » (iStock)

Risque de liquidité

Dans des groupes décentralisés, il est essentiel de réexaminer l’articulation entre la gestion ALM par les banques régionales, et celle par l’organe central du risque de liquidité. La répartition des fonctions est-elle optimale pour la gestion des risques et la capacité à maintenir le bon niveau d’expertise aux différents endroits de l’organisation ? Permet-elle d’avoir la bonne articulation avec les enjeux de développement des activités et métiers en local ?

Il est temps de relever ces trois défis, afin que l’ALM reprenne sa place au centre du modèle bancaire. Cela rendra possible une gestion prudente du bilan et la couverture contre les risques, et permettra aux banques de détail de devenir enfin, si ce n’est un centre de profit, tout au moins un fort générateur de produit net bancaire.

Article écrit par Laure Lemaignen, Associée PMP Strategy, et l’équipe Institutions & Services financiers de PMP Strategy

Paru dans Les Échos, le 26 octobre 2023
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-banques-le-risque-de-liquidite-revient-en-force-1996522

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